Science

Le talent musical identifié dans le cerveau

C’est en forgeant qu’on devient forgeron, dit-on. Sauf que certains auront beau répéter leurs gammes jour et nuit, ils ne joueront jamais pour l’OSM. Des chercheurs de McGill viennent de montrer qu’on peut prédire le talent musical d’un individu en scrutant son cerveau. Explications.

DES PIANISTES EN HERBE BIEN INÉGAUX

Ils étaient 15 cobayes, choisis parce qu’ils n’avaient jamais joué d’un instrument de musique. Leur mission : apprendre au piano des airs de Noël, des mélodies pour enfants et des chansons populaires. Pendant six semaines, leur progression a été suivie de près par des chercheurs de l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal de l’Université McGill et du German Center for Neurodegenerative Diseases, en Allemagne.

« Il y avait d’énormes différences entre les participants. Certains ont terminé tous les exercices qu’on avait prévus au bout de quelques semaines et il a fallu en créer d’autres pour les garder occupés. D’autres ont eu de la difficulté du début à la fin », raconte Emily Coffey, étudiante au doctorat à McGill qui travaille sous la supervision du professeur Robert Zatorre et qui est coauteure d’un article qui vient de paraître dans la revue Cerebral Cortex.

Ce que les participants ne savaient pas, c’est que les dés, en quelque sorte, étaient pipés. Les chercheurs avaient passé leur cerveau au peigne fin… et savaient d’avance qui allait bien apprendre et qui allait tirer le diable par la queue.

VOIR LE TALENT

Avant de lancer les participants dans l’apprentissage du piano, les chercheurs avaient observé leur cerveau en action grâce à l’imagerie par la résonnance magnétique fonctionnelle. Les scientifiques avaient demandé aux cobayes d’exécuter diverses tâches musicales afin de voir quelles zones de leur cerveau étaient activées.

Ils ont découvert que chez certains sujets, certaines zones bien précises du cerveau s’activaient davantage : le cortex auditif droit, l’hippocampe droit, le noyau caudé bilatéral et le cortex prémoteur médian gauche.

Ces régions sont impliquées dans le processus qui permet de mémoriser des mélodies, puis de les reproduire.

À partir de ces informations, les chercheurs ont parié sur les capacités des sujets à apprendre le piano… et leurs prédictions se sont vérifiées.

« Nous avons été en mesure de prédire la vitesse d’apprentissage des sujets, ce qui montre clairement qu’il y a une prédisposition à l’apprentissage. »

— Emily Coffey, étudiante au doctorat à McGill

Selon elle, cette façon de faire permet carrément de mesurer le potentiel musical des gens. La découverte éclaire le débat à savoir à quel point les aptitudes sont innées ou acquises.

« La prédisposition est importante : avez-vous le cerveau et la machinerie cognitive nécessaires pour connaître du succès ? Mais au-delà de ça, toutes sortes d’autres facteurs entrent en ligne de compte dans le succès que connaîtra une personne – la motivation, la confiance, les encouragements, par exemple », dit Mme Coffey.

En examinant le cerveau des sujets après six semaines d’apprentissage, les chercheurs ont aussi été en mesure d’identifier les changements provoqués par la pratique du piano – qu’il était possible de discerner du talent préexistant.

LES APPLICATIONS

« L’idée n’est pas de faire un test qui dirait : pas de piano pour toi. Et toi, tu vas devenir un pianiste de concert », précise tout de suite Emily Coffey.

Selon les chercheurs, la technique pourrait en fait aider les personnes ayant des troubles neurologiques en permettant de créer des interventions conçues en fonction des prédispositions de chacun.

« Les régions du cerveau qui sont impliquées dans la musique sont souvent les mêmes qui gouvernent le langage. On peut donc penser à des applications pour aider les gens atteints de troubles du langage », dit Emily Coffey.

Les gens qui réapprennent à parler après avoir subi un accident cérébral vasculaire pourraient aussi un jour bénéficier de ces recherches.

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